La Tribune, Actualités | Sherbrooke
Mélanie Noël — Lundi, 27 mai 2019
Tous unis contre la SLA
Lisette Joyal et Mario Goupil - Photo : Spectre Media, Jessica Garneau
Mario Goupil s’est trouvé des alliés pour monter au front dans sa bataille entamée pour que les 600 Québécois atteints de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), dont sa conjointe Lisette Joyal, aient accès à l’édaravone, un médicament qui peut réduire la souffrance des personnes atteintes et prolonger de 33 % leur vie. Pour se faire entendre par les gouvernements et leur répéter l’urgence d’agir, l’ancien journaliste avait organisé, lundi, une conférence de presse. Plusieurs personnes atteintes y étaient pour mettre des visages sur la maladie. Chloé Sainte-Marie était aussi présente pour soutenir sa sœur, Lisette.
« La semaine dernière, le ministère de la Santé et des Services sociaux a déclaré que l’édaravone coûtait trop cher aux Québécois. C’est quoi trop cher? Nos gouvernements ne doivent pas être si pauvres puisque le mois dernier, François Legault annonçait qu’il offrirait jusqu’à 200 000 $ aux sinistrés des récentes inondations. Et je suis tombé sur une vieille manchette disant que le Canada s’est engagé à verser 2,65 milliards d’ici 2020 pour aider les pays en développement. M. Trudeau et M. Legault, je ne vous demande pas 200 000 $. Ma maison ne prend pas l’eau. Par contre, je ne peux pas en dire autant de ma vie et de celle de ma famille », a déclaré M. Goupil, rappelant que l’espérance de vie d’une personne atteinte de SLA, une maladie incurable, est entre 2 et 5 ans.
« Il y a quelques semaines, Lisette a abordé avec moi un sujet qui fait terriblement peur : l’aide à mourir. Lisette ne voudrait pas que nos huit petits-enfants conservent d’elle le souvenir d’une personne malade et emmurée, prisonnière de son propre corps. On parle d’aide à mourir parce qu’on nous refuse l’aide à vivre. L’édaravone, c’est l’aide à vivre! », a mentionné M. Goupil.
Rappelons que l’édaravone, un médicament fabriqué au Japon, a été approuvé par Santé Canada en octobre 2018, mais qu’il n’est toujours pas disponible au pays parce que les instances canadiennes ne s’entendent pas avec le fabriquant sur son prix de vente et sur le prix qui serait remboursé par les régimes d’assurance médicaments. Les Canadiens qui souhaitent se procurer de l’édaravone doivent le faire venir par importation privée. M. Goupil a passé sa première commande et estime que ses frais seront d’environ 700 $ par mois.
Au Canada, 3000 personnes sont atteintes de la SLA. Au Québec, il y en a 600, dont une vingtaine à Sherbrooke et dans ses alentours.
Chloé Sainte-Marie était de passage à Sherbrooke pour soutenir sa grande sœur, Lisette. « Parce qu’on ne s’entend pas sur un prix, on fait en sorte que toute personne Lou Gehrigué est une victime et un otage du système », a souligné la chanteuse.
Lisette Joyal a pris la parole pour remercier son conjoint. « Je suis chanceuse, Mario a la force et les mots pour livrer le combat. Moi, je me concentre à essayer de vivre au jour le jour, de faire ce que j’aime et d’aimer mon entourage. »
« Il est inconcevable de priver des milliers de personnes de pouvoir vivre plus longtemps auprès de leurs proches parce qu’on ne s’entend pas sur un prix », insiste M. Goupil.
Chloé Sainte-Marie et sa soeur Lisette Joyal
Photo : Spectre Media, Jessica Garneau
Lisette Joyal et son conjoint Mario Goupil
Photo : Spectre Media, Jessica Garneau
Faire front commun pour l’accessibilité à l’édaravone
Atteints de SLA, Catherine Hudon, de Richmond, et Jean Cameron, de Sherbrooke, ont ajouté leur voix à celle de Mario Goupil dans cette lutte pour l’accessibilité à l’édaravone, médicament pouvant prolonger la vie des personnes touchées par cette maladie incurable.
Mme Hudon, 44 ans, est mère de deux fillettes de 4 et 5 ans. Après avoir travaillé 13 ans en développement international, elle a fait sa maitrise en travail social et elle devait commencer à travailler l’été dernier. « Je devais faire de l’aide à domicile pour des gens souffrant de déficience physique et faire du soutien à domicile pour des personnes âgées. Malheureusement, la vie a fait en sorte que c’est moi, cette année, qui reçois des soins à domicile », explique celle qui a reçu son diagnostic en août dernier, au lendemain de sa fête.
Heureusement, Mme Hudon a consulté l’Institut neurologique de Montréal et elle a été sélectionnée parmi les 210 Canadiens qui ont accès gratuitement à l’édaravone. « Le fabricant a donné le médicament à 210 Canadiens dont 20 au Québec, j’ai été une des dernières sélectionnées. Je suis extrêmement chanceuse, mais je suis ici pour partager ma chance et m’assurer qu’il y ait une justice pour le reste des Québécois qui ont la SLA », soutient la mère de famille.
« Une sentence »
« La SLA est une sentence. Elle amène beaucoup de lâcher-prise au sens figuré comme au sens propre, car on échappe beaucoup de choses. Je sais déjà que je ne verrai pas grandir mes filles. Qu’elles n’auront plus de mère dans un an ou deux si je fais appel à l’aide à mourir. Alors, c’est vraiment important d’ajouter le plus de mois, le plus d’années possible pour être auprès de ma famille », confie Mme Hudon.
Et vos filles sont au courant? « Elles voient que leur mère est en fauteuil roulant. Souvent je mets des collants sur celui-ci pour le rendre plus joyeux. Mais elles ne savent pas la finalité. Ça ne servirait à rien qu’elles soient tristes pour les quelques années qu’il me reste », répond la maman.
L’homme d’affaires Jean Cameron, qui a reçu son diagnostic il y a presque 8 ans, a expliqué comment la maladie avait transformé sa vie. « J’ai enlevé tout le négatif, tout le stress de ma vie. Je sais que je suis choyé. Après presque 8 ans, je boite, je ne peux plus jouer au hockey ou faire de la moto, mais je peux encore marcher. Je vois maintenant la vie d’une autre façon. J’apprécie les petites choses. Je vois les gens en fauteuil roulant et je sais que ce sera un jour mon tour. Mais en attendant, je ne vois plus de médecins, je ne vais plus à l’hôpital depuis 4 ans, car ça me causait trop de stress. Je préfère profiter de la vie au maximum », a souligné avec beaucoup d’émotion M. Cameron.
Un groupe met ses efforts en commun et prend la parole pour que l’édaravone soit disponible pour toutes les personnes atteintes de la SLA. Étaient présents : Catherine Hudon, mère de famille atteinte de la SLA, Chloé Sainte-Marie, figure bien connue dans la cause des aidants naturels au Québec, Mario Goupil, dont l’épouse Lisette Joyal, sœur de Chloé Sainte-Marie, est atteinte de la SLA, Alain Goupil maître de cérémonie, Jean Cameron, atteint de la SLA depuis 8 ans, Claudine Cook, directrice de la SLA Québec, Alain Bernard, atteint de la SLA, et Yves Lafleur, intervenant psychosocial chez SLA Québec.
Photo : Spectre Media, Jessica Garneau