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Le délit, Culture - Exposition

Dior Sow — Mardi, 20 septembre 2016

Moi, à mon plus beau revisite l’œuvre picturale de Gilles Carle

Au deuxième étage de la Maison du Festival – dans un angle qui ne se révèle qu’au dernier moment – sont accrochées depuis peu une quarantaine de dessins et peintures qui, d’emblée, ne saisissent pas notre attention. Alors qu’on s’approche et qu’on balaye le premier mur du regard, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire: c’est drôle, pertinent et cru. Voilà les mots qui nous viennent à l’esprit devant ces croquis de Gilles Carle, réalisés à vif pour la plupart et récupérés dans son sillon par sa compagne Chloé Sainte Marie. Moi, à mon plus beau nous fait (re)découvrir l’incontournable cinéaste québécois au travers de l’art qui l’a vu débuter – il s’inscrit aux Beaux Arts de Montréal à 16 ans – et conclure – alors qu’il combat la maladie de Parkinson, le dessin devient pour lui un véritable exutoire – sa vie.

Tous les monstres ne sont pas sacrés... loin de là !

« Tous les monstres ne sont pas sacrés… loin de là »

Voilà qui résume bien le ton des illustrations exposées! Ce titre et beaucoup d’autres accompagnent des dessins cartoonesques qui questionnent avec ironie la société des « Trente Piteuses ». C’est avec un coup de crayon très particulier que Gilles Carle dépeint les faiblesses des mouvements nationalistes, de la révolution sexuelle ou encore de l’avènement du libéralisme.

N’ayant pas peur de s’attaquer à d’autres techniques comme l’acrylique,  c’est avec plus de solennité – quand même! – qu’il peint des religieuses seins nues, armes au poing et cigarettes à la bouche. Manifestement prolifique, Gilles Carles a aussi réalisé un grand nombre de caricatures de personnalités québécoises, des dessins que François-Marc Gagnon, historien d’art québécois, qualifie de confidentiels, comme une sorte d’inside joke entre amis de longue date – qui laisse malheureusement le visiteur à l’écart.

« Variation sur un t’aime »

Cependant Gilles Carle n’est pas que moqueur, il est aussi amoureux: d’une part de l’art et de l’autre de sa femme. Sa formation classique en art graphique lui a donné des outils dont il aime se jouer, et il excelle dans l’art de l’imitation. Plusieurs toiles réalisées « À la manière de… » revisitent des classiques de Pellan et Picasso. Gilles Carle y imite parfois jusqu’à la signature du maître; on oscille entre l’étude et le faux, et au vu des dessins précédents, on se met à douter du sérieux de ses intentions. Sa femme, elle, est omniprésente tout au long de l’exposition et devient le porte-drapeau de la féminité. Tantôt reine de cœur, tantôt recouverte d’or, elle est l’inspiration derrière les «Seinsphonie» d’un peintre qui met sa muse au centre de son oeuvre. Un statut qui a fait de Chloé Sainte Marie une spectatrice privilégiée du processus de création de Gilles Carle. D’une voix tremblante, elle le décrit comme «un insatiable courtisan de beauté, trop rapide pour être contemplatif et qui voyait à la vitesse du laser».

Moi, à mon plus beau est décidément une expérience intimiste, loin des expositions à vocation spectaculaire mais qui vaut néanmoins le détour. 

[Source]