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Le Nouvelliste, Arts

Kim Alarie — Mercredi, 7 juin 2017

Les oeuvres de Gilles Carle à Shawinigan

Chloé Sainte-Marie se réjouit
Chloé Sainte-Marie se réjouit que les oeuvres de Gilles Carle soient présentées à Shawinigan et, par le fait même, que sa mémoire soit perpétuée.
FRANÇOIS GERVAIS, LE NOUVELLISTE

On connaît mieux son oeuvre cinématographique, mais pourtant Gilles Carle était un prolifique peintre et dessinateur.

Étudiant à l'École des beaux-arts dans les années 40, ses créations font partie des plus grandes collections québécoises. C'est d'ailleurs ce côté artistique qui sera mis en lumière au foyer du Centre des arts de Shawinigan jusqu'au 20 août.

Il a beau avoir été emporté par la maladie il y a plus de sept ans, Chloé Sainte-Marie, sa complice pendant 27 ans, en parle avec un souvenir qui est toujours aussi vif.

L'exposition Moi à mon plus beau, « représente la folie de Gilles. L'être fou, déliré, vertigineux qu'il était. Amoureux et sensuel. Gilles était tout et son contraire. »

Selon la volonté de Chloé Sainte-Marie, la sélection des 25 oeuvres qui orneront les murs a été faite par la muséologue Clémence Bélanger.

« Il faut que l'exposition soit colorée par les gens des régions où elle est présentée. Ils ont une vision de Gilles et j'ai envie de voir leur vision à eux, plutôt que la mienne. Dans chaque région, ce sont des oeuvres différentes », raconte celle qui a depuis longtemps apprivoisé le « lâcher-prise ».

« Durant sa maladie, j'ai dû faire cet exercice. J'ai dû vendre des oeuvres pour payer ses soins. Ses dessins que j'ai vus naître, ceux qu'il a faits de moi, il y en a une centaine, j'ai dû les vendre sinon il rentrait dans un CHSLD. J'avais fait une sorte de deuil. Ç'a été très dur pour moi de vendre ça, mais j'étais tellement obligée, j'avais tellement besoin d'argent pour payer les deux préposés. Ça coûtait 10 000 $ par mois, en plus du reste. C'est son oeuvre pictural qui a payé ses soins. »

Gilles Carle a d'ailleurs créé jusqu'à la toute fin, mais jetait souvent ses créations. Sa muse passait derrière lui et les récupérait. «Il ne pensait jamais à demain, il s'amusait et s'exprimait. Il dessinait tout le temps. Ou il filmait, ou il écrivait, ou il dessinait. Il était toujours en état de créer», raconte celle qui a hérité de 500 dessins au feutre et d'une cinquantaine de peintures. «Il dessinait comme il respirait.»

« J'étais très touchée que l'exposition vienne sur ce territoire où il a notamment tourné La Postière et La vraie nature de Bernadette. C'est un territoire qu'il aimait beaucoup », se réjouit la chanteuse qui veille soigneusement à faire rayonner le travail de son âme soeur.

« C'est un lègue incroyable. J'ai un empire qui s'appelle Gilles Carle à prendre soin, à dorloter. Je fais partie de ceux qui font en sorte que sa mémoire demeure et que Gilles Carle demeure vivant. »

« C'est une sorte de pacte que j'ai fait quelques heures avant son départ. Il ne parlait plus. Il a été un mois à l'hôpital sans manger, sans boire, mais il avait toute sa tête. À la fin, je lui ai dit: "Tu vas toujours me protéger, hein?" Et il a cligné des yeux. Je lui ai dit que j'allais toujours le protéger aussi. Je crois que la mort ne tue pas l'amour. »

Dès qu'il est décédé, c'est la première action qu'elle a prise, de mettre en valeur ses oeuvres picturales. « Je voulais que les gens voient l'amour qu'on a eu. J'avais besoin de montrer ça », confie-t-elle.

Chloé Sainte-Marie dessine elle aussi. « C'est lui qui m'a amenée à dessiner. Je ne suis pas bonne. Il me poussait à dessiner. »

« J'ai repris des ateliers avec des modèles vivants et j'adore ça. C'est une liberté très forte. »

Elle sourit lorsqu'on lui demande si on pourrait voir un vernissage conjoint de ses oeuvres et de celles de l'amour de sa vie.

« Ce qui est sûr, c'est que dessiner me fait beaucoup de bien. Ça me calme et ça me ramène sur la terre ferme. »

Fondation

La mémoire de Gilles Carle se perpétue également par le biais de cette fondation qu'elle a mise sur pied pour soutenir les aidants en leur offrant du répit et un lieu d'hébergement pour leurs proches en perte d'autonomie.

« J'ai été aidante pendant 17 ans. Je savais ce dont l'aidante a besoin. Je le sais de l'intérieur. Quand le politique vient me le dire... ils ont besoin de se lever de bonne heure », raconte la pétillante femme qui a connu des jours sombres où l'épuisement la dévorait.

C'est après une thérapie qu'elle s'est dit que l'épreuve de la maladie de son conjoint serait plus facile à traverser si elle s'entourait de monde, d'où l'idée de la Maison Gilles-Carle. L'homme de cinéma n'a jamais vu la maison terminée, puisqu'il est mort avant que les aménagements soient complétés.

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