Radio-Canada, Arts | Musique
Claudia Hébert — Dimanche, 6 octobre 2019
Chloé Sainte-Marie chante l’œuvre des poètes
Chloé Sainte-Marie a su trouver sa propre voix en musique lorsqu’elle s’est mise à chanter l’œuvre des poètes.
Photo : Radio-Canada / Claudia Hébert
Chloé Sainte-Marie était de passage à Toronto pour un rare concert dans la Ville-Reine. Invitée de la série De Bouche / À Oreille, l’interprète a offert sur la scène du Heliconian Hall une performance entière, habitée, qui a mérité une chaleureuse ovation debout.
Celle qu’on a d’abord connue comme actrice dans le cinéma de Gilles Carle a su trouver sa propre voix en musique lorsqu’elle s’est mise à chanter l’œuvre des poètes.
Toute ma vie, je n’ai pu lire que de la poésie, je ne lis presque pas de romans, ou à peu près pas — sauf des grands classiques… Moi, mon cerveau comprend la poésie.
— Chloé Sainte-Marie, chanteuse et comédienne
Parmi les poètes qu’elle affectionne, il y a bien sûr Gaston Miron, dont elle chante entre autres Je marche à toi, Mon bel amour navigateur ou Je t’écris pour te dire que je t’aime.
Chloé Sainte-Marie a conquis le public de Toronto.
Photo : Radio-Canada / Claudia Hébert
Il y a aussi Joséphine Bacon, poète innue et amie de la chanteuse, qui est celle qui a proposé un jour à Chloé Sainte-Marie de chanter en langue autochtone, et celle qui a aidé la chanteuse dans son apprentissage de la langue.
Ce rapport à la communauté innue a culminé en 2009 avec l’album Nitshisseniten e tshissenitamin (Je sais que tu sais), reprenant des chansons de Philippe Mckenzie en plus de quelques textes signés Bacon.
Il y a aussi Claude Gauvreau, à qui l’interprète a emprunté non seulement des textes, mais tout un langage, l’exploréen, cette langue inventée de toute pièce par le poète québécois.
Je pense que quand tu perds ta langue, comme peuple — que ce soit la “Canayen”, l’innu, l'atikamekw ou quelque soit la langue autochtone — il faut que tu en inventes une autre.
— Chloé Sainte-Marie, chanteuse et comédienne
En chantant Jappements à la lune, Chloé Sainte-Marie avait toutes les libertés de donner l’émotion qu’elle voulait aux mots. C’est un texte qu’elle a découvert alors qu’elle était au plus bas, au plus dur des années passées comme aidante naturelle auprès de son grand amour, souffrant du parkinson.
J’avais besoin d’exprimer ce désespoir total dans lequel j’étais — la fatigue extrême. J’étais au bord du suicide… Et là, j’ai trouvé ce poème : Claude Gauvreau, le prophète! L’exploréen lui a alors permis d’exprimer ce qui était logé en elle, d'extérioriser sa peine.
Parmi ces poètes qui peuplent ses albums, on trouve un Franco-Ontarien, un Sudburois natif de Timmins, ce Patrice Desbiens qui a tant fait jaser en se retrouvant sur le t-shirt porté par la députée québécoise Catherine Dorion à l’Assemblée nationale.
Qu’est-ce qui plaît à Chloé Sainte-Marie dans l’œuvre de Desbiens?
J’aime son son, sa créolité… son écriture qui n’est pas catholique pantoute! C’est un poète qui est complètement sensuel! rapporte l’interprète qui a chanté Brûlots lors de son concert torontois. C’est notre plus grand poète de la francophonie!
Elle n’a pas été actrice depuis 1996, depuis Pudding Chômeur, dernier film de fiction de Gilles Carle. Est-ce qu’un réalisateur ou un rôle pourrait convaincre l’artiste de retourner au cinéma? Sans Gilles, ça m’intéresse pas, répond-elle spontanément. Je préfère la scène, je préfère le spectacle vivant.
En la voyant en performance au Heliconian Hall, tenant son auditoire captif par sa fougue, sa candeur et sa sensibilité — on voit bien en effet que c’est sur scène que Chloé Sainte-Marie trouve sa juste place dans le monde.